Le devoir de vigilance et la responsabilité du banquier

La question de la fraude bancaire reste d’actualité. Celle-ci peut se manifester de différentes manières : il peut s’agir de virements frauduleux, de piratage de la carte bancaire, de l’usage un chèque frauduleux, de fraudes à l’investissement, etc.

En tous les cas, le détenteur du compte bancaire se voit spolier d’une certaine somme sur ce compte. Cela est assez souvent rendu possible en raison d’une faille du système opérationnel de la banque. C’est en cela que la responsabilité du banquier est susceptible d’être engagée par son client en vue d’obtenir le remboursement des sommes dérobées et éventuellement une indemnisation du préjudice subi.

Il en sera ainsi puisque le banquier est assujetti à une obligation de vigilance dans la tenue du compte de son client.

En effet, les tribunaux ont consacré un devoir de vigilance que tout banquier se doit d’observer au risque d’engager sa responsabilité si son client vient à se faire dérober des fonds.

Il découle ainsi de la jurisprudence (ensemble des décisions rendues par les cours et tribunaux) un devoir générale de vigilance et de vérification qui incombe au banquier. Il est aussi constant que le banquier est tenu de ce devoir de vigilance qui lui impose de déceler les opérations suspectes apparentes et de tout mettre en œuvre pour éviter le préjudice pouvant en résulter pour son client (Cour d’appel de Montpellier, 1er juillet 2021, n° 20/05466).

A défaut d’épargner à son client un tel désagrément et dans l’hypothèse d’une défaillance dans la mise en œuvre de cette obligation de vigilance, conformément à l’article L133-18 du Code monétaire et financier, la banque doit rembourser à son client le montant frauduleusement dérobé.

Aux termes de l’article L133-19 du Code monétaire et financier, il ne saurait être question de rechercher la responsabilité du client si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à son insu, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.

Il revient à la banque de rapporter la preuve de la régularité de l’opération dont le client nie avoir autorisé. La banque y procéderait en démontrant que l’opération a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. Faute de quoi, sa responsabilité resterait engagée et l’obligation de rembourser son client demeurerait.

La cour d’appel de Versailles a récemment retenu la responsabilité d’une banque et l’a ainsi condamné à rembourser les fonds dérobés ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral subi par le client et ce, en raison de la déficience technique de son système opérationnel (Cour d’appel de Versailles, 28 mars 2023, n° 21/07299).

Dans l’hypothèse où la fraude concernerait la carte bancaire, détenue par le client, quand bien même le code associé aurait été utilisé, cela ne suffirait pas à prétendre à une faute lourde du client, et par conséquent, à décharger la banque de son obligation de remboursement (Com., 2 octobre 2007, n° 05-19.899). Il en est de même en cas d’utilisation frauduleuse des données de la carte à distance (Com., 12 novembre 2008, n° 07-19.324).

En pratique, un faisceau d’éléments pourrait permettre de déceler les anomalies : les débits d’apparition récente et ne renvoyant guère à un type d’achats antérieurement réalisés par le titulaire de la carte, la récurrence des achats, notamment au profit du même commerçant, le rapport des mouvements au fonctionnement antérieur du compte. Au regard de ces anomalies évidentes, la banque se doit de rechercher si elles ne sont qu’apparentes ou bien réelles, faute de quoi, la banque manquerait à son devoir général de vigilance et engagerait sa responsabilité contractuelle à l’égard de son client (Cour d’appel de Douai, 3ème Chambre, 14 octobre 2021, nº 20/03236).

Dans l’hypothèse où la fraude concernerait un virement bancaire, le banquier demeure tenu d’une obligation de vigilance au regard du bénéficiaire de l’opération, de son montant ou plus largement du fonctionnement « normal » du compte. Dès lors, les virements d’un montant élevé doivent faire l’objet d’une certaine vigilance au regard du fonctionnement habituel du compte.

Aussi, il revient à la banque de justifier de l’envoi du code ayant permis de valider le virement litigieux et l’utilisation de code unique par son client. La seule preuve de l’utilisation des identifiants par le client ne peut suffire à décharger la banque de sa responsabilité (Cour d’appel de Grenoble, 11 février 2020, n° 18/00603). Il a d’ailleurs été ordonné à une banque d’annuler le virement et de créditer le compte de son client de la somme frauduleusement dérobée (Cour d’appel de Rennes, 24 décembre 2019, n° 19/07541).

Dans l’hypothèse où la fraude concernerait un chèque frauduleux, la banque engagerait sa responsabilité en procédant à l’encaissement de chèques sans les vérifications nécessaires (Com., 22 novembre 2011, n°10-30.101).

À cet effet, il est tout à fait légitime de s’attendre de la part du banquier, en « bon professionnel », de contrôler la provenance du chèque, le nom du titulaire du compte, la banque émettrice du chèque, la présence ou non d’une opposition sur le chèque, etc. Le banquier qui manquerait à ces vérifications classiques n’aurait pas agi en professionnel, et par conséquent, engagerait sa responsabilité.
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De ce qui précède, il serait souhaitable que les banques fassent preuve d’efficacité et de professionnalisme afin d’éviter à leurs clients les désagréments qui pourraient découler des fraudes bancaires, quelles que soient leurs formes. C’est le moins qu’un client pourrait attendre de sa banque.